Après 26 ans du pouvoir de Sékou Touré, 24 ans de celui de Lansana Conté et 2 ans de la junte militaire, l’élection d’Alpha Condé en décembre 2010, après environs 40 ans de combats et d’opposition politiques, a été perçue et saluée comme une véritable euphorie dans presque tous les domaines de la vie sociopolitique guinéenne, tant dans le sens du retour des civils au pouvoir que d’un intellectuel, au sens académique du terme, aux affaires publiques et au sommet de la magistrature. « Enfin, un intellectuel et de surcroit un professeur au pouvoir ! », avait-on crié partout avec liesse sans aucune conscience et idée exacte !
Cependant, telle une décente aux enfers, cela ne tardera pas aux guinéens d’apercevoir et de constater le virement amer de leur situation et condition sociales au pire tout en sachant le vrai visage de l’homme qui avait pourtant combattu pendant environ 40 ans pour la démocratie et ses valeurs et contre les régimes autoritaristes passés, tant dans sa pensée politique que dans ses modes de gestion publique et administrative.
En résumé, alors que le commun des guinéens plaçait un grand espoir sur lui et aspirait profondément aux bonheurs, au progrès, à la paix, au changement souhaité et au développement rationnel du pays et de ses immenses richesses au lendemain de ces élections, hélas, c’est le contraire et leur déception totale qui se sont produits !
Car, à part quelques travaux publics contactés, principalement la construction et la réhabilitation de certains hôtels de la capitale et de quelques voies routières nationales, quelques coups de pouce dans l’électrification de certaines zones urbaines du territoire national, etc., son régime est corollaire de tous les maux qu’un peuple et le genre humain peuvent souffrir, à citer la violation des lois constitutionnelles du pays ; celles indispensables pour l’instauration d’une réelle démocratie ; celles portant sur le respect des droits, de la liberté et de l’intégrité de l’homme et des communautés ethniques ; la corruption ; les détournements de fonds et des déniés publics sans aucune poursuite judiciaire ; l’impunité administrative ; des arrestations arbitraires d’opposants ou de leurs militants ; le chômage accru des jeunes diplômés ; la gabegie financière ; l’usurpation barbare, frauduleuse et illégale des terres des familles entières sans aucun dédommagement, indemnisation et respect des procédures en la matière (Kaporo rail, Dar-es-salam…) qui pourtant avaient majoritairement voté pour lui ; une justice assujettie, complice et partiale ; l’immigration des jeunes ; la dépravation morale et populaire sous toutes ses formes ; l’éducation et la formation bafouées ou reniées ; la médiocrité clamée, soutenue et encouragée ;…
Pire encore, malgré tout cela et au grand dam de la population, le pouvoir veut installer une sorte de monarchie au coeur de la République. Et pour ce fait il a érigé toute une gamme de stratégies et de moyens illégaux, immoraux et parfois même inhumains ainsi qu’une nouvelle classe dominante formée de politiques, d’auxiliaires de justice, d’affairistes mal formés, de religieux corrompus, d’intellectuels paresseux et véreux cherchant des raccourcis, de grands commis voyous de l’Etat sans état d’âme, de milliardaires complices et démoniaques, de fonctionnaires vendus sans dignité et honneur, de médias souteneurs et affamés ; bref, toute une classe d’hommes médiocres et immoraux vivant de business-cueillette sur les fonds publics et du contribuable guinéen.
Mais le combat pour la démocratie reste et demeure l’affaire de tous les citoyens ; et chacun peut y apporter une graine pour son édification ; parce que pour l’heure dans notre pays c’est une démocratie en panne sèche qui s’enlise dans les travers d’une féodalité qui ne dit pas encore son nom, son credo et ses vrais desseins, une vraie société en recul perpétuel sur ses propres valeurs et idéaux, une démocratie de sang, de clans et de privilèges sociaux dont la chute précipitée et prochaine de son régime viendra surement, d’une façon ou d’une autre, de ses propres germes maléfiques…
Article paru dans le Magazine Les Éditions Djenaba (www.editions-djenaba.com), N° 001/Janvier 2020, à Rabat, Maroc.
Par Ibrahima Sory Sakho
Juriste, écrivain, enseignant et chroniqueur
Contacts : 00224 628 95 46 87 / sakhosory13@gmail.com
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